Rappel :
Tout humain possède un code génétique qui fait de lui un individu unique et original. Ce code génétique est composé de 46 chromosomes répartis en 23 paires (22 paires de chromosomes homologues et 1 paire de chromosome sexuel qui se différencient selon le sexe : deux chromosomes X chez la femme et un chromosome X et un Y chez l’homme). Les gènes déterminant les caractères héréditaires sont localisés sur les chromosomes.
Il en résulte que les chromosomes sont tous présents en double exemplaire pour les femmes, alors que pour les hommes tous les gènes situés sur le bras long du chromosome X sont en un seul exemplaire, celui-ci n’ayant pas son homologue.
A l’origine, un seul gène ancestral commun est à l'origine des pigments. Puis trois gènes en sont issus :
• un gène codant pour la rhodopsine (le pigment contenu dans les bâtonnets),
• un gène pour le pigment bleu (situé sur le chromosome 7),
• un gène codant pour un pigment dont le spectre d'absorption allait du rouge au vert.
Puis à la suite d’une duplication et d’une transposition, on aboutit à la présence de trois gènes différents qui codent pour trois protéines différentes et donc pour trois pigments différents : le rouge, le vert et le bleu. Les gènes codant les pigments rouge et vert se situent sur le chromosome X. Le gène codant le pigment sensible au bleu se trouve sur le chromosome numéro 7.
La différence d’emplacement sur les chromosomes entre le pigment bleu d’une part et les pigments rouge et vert d’une autre part, explique pourquoi la fréquence d’anomalies est la plus forte pour le cas des pigments rouge et vert, lequel a le plus de chance de muter lors de la méiose.
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1) La fécondation, une recombinaison génétique
Lors de la fécondation, la recombinaison génétique est aléatoire, deux cas peuvent alors se produire :
La Perte d’un gène :
Un gène est absent de l’un des chromosomes. Celui qui en hérite est dichromate, il ne possède que deux pigments. Celui qui hérite de l’autre chromosome a alors un gène double. Sa vision colorée est cependant normale.
Apparition de gènes mutés :
Une rupture se fait dans le gène, ce qui le sépare en deux parties et forme des gènes mutés (duplication). Une partie des codons de la iodopsine du cône L est transférée vers le gène de la iodopsine du cône M, et une partie des codons de la iodopsine du cône M est transférée vers le gène de la iodopsine du cône L. Ces permutations d’acides aminés entraînent des modifications de la protéine du pigment, et son spectre d’absorption est modifié. Ces changements peuvent entraîner un dichromatisme ou une anomalie de vision très légère.
2) Les dichromates et les trichromates
Chez les individus dichromates, l’un des trois pigments des cônes fait défaut soit parce que le gène correspondant est absent, soit parce qu’il existe sous forme d’un nouvel allèle des gènes des pigments « rouge » et « vert ». Chez certains deutéranopies, par exemple, le gène du pigment vert est complètement absent. Chez d’autres, il y a un gène muté qui donne un pigment du gène rouge dans les cônes sensibles au vert.
Chez les trichromates anormaux, qui possèdent des gènes mutés, on a émis l’hypothèse qu’ils élaborent des pigments dont les propriétés spectrales se situent entre celles des pigments normaux du rouge et du vert. De cette façon, bien qu’ils possèdent des cônes distincts sensibles aux longueurs d’ondes (l’un normal, l’autre hybride), les réponses des deux jeux de cônes à une même longueur d’onde sont moins différentes, ils perçoivent donc moins la différence entre les couleurs.
3) Y a-t-il une parité homme/femme ?
Les anomalies de la vision des couleurs (excepté la tritanopie et tritanomalie) sont moins fréquentes chez les femmes, car elles possèdent deux chromosomes X dans leur caryotype. La présence d’un gène muté (ou l’absence d’un gène) est alors plus souvent compensée par un gène normal dans le second chromosome. En effet, le gène muté est récessif et il doit être présent en 2 exemplaires pour s’exprimer.
Pour qu’une femme soit daltonienne, il faut donc que ses deux parents soient porteurs du gène anormal. La femme peut donc être porteuse du gène du daltonisme (sans pour autant être atteinte de ce trouble) et le transmettre à sa descendance.
Le daltonisme est par conséquent beaucoup plus fréquent chez les hommes (8% de la population française), que chez les femmes (0.6%).
4) Une anomalie masculine transmise par la mère
Cette “cécité des couleurs” est liée à une anomalie génétique héréditaire relativement fréquente, mais dont les conséquences sont essentiellement masculines puisque 8 % des hommes sont atteints pour 0,5 % seulement des femmes. Cette disparité est due au fait que le gène du daltonisme est porté par le chromosome sexuel X et qu’il est récessif, c’est-à-dire qu’il suffit de la présence d’un gène normal pour que l’anomalie ne s’exprime pas, comme le présente la partie ci-dessus. La femme ayant deux chromosomes X, elle n’est daltonienne que si ces deux chromosomes, hérités de ses deux parents, portent le gène défectueux, éventualité rare.
En revanche, l’homme possédant un seul chromosome X, hérité de sa mère, il suffit que cette dernière lui ait transmis le gène anormal pour qu’il soit daltonien. Cette transmission liée au sexe permet de comprendre pourquoi les hommes ne transmettent jamais leur daltonisme à leur fils (puisqu’ils ne lui donnent que le chromosome Y, tandis que les mères peuvent transmettre l’anomalie sans être elles-mêmes daltoniennes.
5) Le cas du père : la deutéranopie
- Génétique du Daltonisme du Vert (ou Deutéranopie )
Dans les années 80 Jeremy Nathans et son équipe ont découvert que deux des gènes qui déterminent la vision des couleurs sont localisés sur le chromosome sexuel X et plus précisément sur le bras long de celui-ci. Il s’agit des gènes codant les protéines spécifiques du pigment " vert " et " rouge " des cônes de la rétine, alignés l’un derrière l’autre, sur le bras long du chromosome X, dans des régions assez semblables. Il en découle que la vision colorée de la femme résulte de ses deux chromosomes X (l’un hérité du père et l’autre de la mère) ; alors que celle de l’homme ne dépend que du chromosome X hérité de sa mère. La femme possède normalement deux gènes codant les protéines spécifiques du pigment " vert " ; tandis que l’homme ne possède qu’un seul exemplaire du gène codant pour les protéines spécifiques du pigment " vert " sur son unique chromosome X.
La Deutéranopie est due à la pathologie du gène du " vert ". Si cette pathologie consiste en une simple altération du gène (par exemple par hybridation, réalisant un intermédiaire entre les gènes codant pour le pigment " rouge " et ceux pour le pigment " vert ") il en résulte un trichromatisme anormal, Deutéranomal. En revanche s’il manque le gène du " vert ", la personne est dichromate, Deutéranope.
- Transmission du Daltonisme du Vert (ou Deutéranopie)
Les biologistes s’intéressent depuis longtemps au daltonisme familial. La première étude connue sur ce sujet remonte à 1777, mais ce n’est qu’en 1911 que l’Américain Edmund Wilson, à l’université Columbia de New York, précise le mode de transmission du Daltonisme. Il établit que la transmission de cette affectation est liée au sexe.
Les gènes concernés se situant sur les chromosomes sexuels (le chromosome X) la transmission de la Deutéranopie à lieu lors de la méiose (échange de matériel génétique entre les chromosomes X maternel et paternel au moment de la formation des cellules sexuelles), si les deux chromosomes X ne s’alignent pas correctement lors de la méiose " le gène du vert " peut être supprimé dans un chromosome X et ajouté à l’autre. Seul l’héritier du chromosome ne possédant pas " le gène du vert ", est atteint d’une cécité au vert.
Les résultats de Wilson nous permettent d’expliquer pourquoi plus d’hommes sont touchés par la Deutéranopie que de femmes. En effet chez la femme la présence d’un gène anormal sur un de ses chromosomes X est le plus souvent compensée par un gène normal situé sur son deuxième chromosome X. En effet, nous savons que sur tous nos gènes présents en double exemplaire (un sur chaque chromosome homologue) seul un s’exprime (si un des gènes muté il devient récessif et l’autre dominant). Cela a été démontré par les travaux de Samir Deeb et ses collègues en 1992 : ils ont recherché l’ARN messager synthétisé par les protéines des pigments visuels codées par les gènes, ils n’ont trouvé qu’une seul sorte d’ARNm. Chez l’homme il suffit que le chromosome X transmis par la mère porte le gène anormal pour qu’il soit atteint du Daltonisme du Vert.
Il existe plusieurs génotypes possibles conduisant à la naissance d’enfants daltoniens, ou dans le cas des filles, porteuses saines du Daltonisme (vectrices du Daltonisme).Il faut savoir qu’un père daltonien ne transmet jamais le Daltonisme à ses fils puisque les gènes concernés sont sur le chromosome X et qu’il " donne " un chromosome Y, au contraire toutes ses filles, qui héritent de son chromosome X atteint sont vectrices. Voici les différents génotypes parentaux qui aboutissent à la présence du Daltonisme chez leurs quatre enfances (deux filles et deux garçons) :
Si une femme à la vision colorée normal s’unie à un homme deutéranope alors les garçons sont tous normaux et les filles toutes vectrices du Daltonisme du Vert. Par conséquent tous les enfants semblent sains, mais le Daltonisme peut réapparaître à la génération suivante, passant ainsi du grand-père maternel au petit-fils.